2025-03-10 FranceQui

La singulière histoire d’un dessert franco-américain.

L'omelette Norvégienne et le Baked Alaska

Tout démarre en 1866 ou 1867 selon le roman gastro-national français. Balzac, pas l’écrivain mais l’autre, dirige les cuisines du Grand Hôtel de Paris… à Monaco. 

1867 est une année importante pour la capitale française car elle accueille pour la deuxième fois l’exposition universelle dans ses murs. Et Balzac veut impressionner avec un dessert scientifique. Il semble inspiré par une découverte gourmande de Benjamin Thompson sur les propriétés isolantes du blanc d’oeuf battu. Certes, il y a des sujets de recherche plus spectaculaires que d’autres, tout le monde ne peut pas découvrir les mystères cachés de la fission nucléaire. Mais en vrai, il aurait quand même inventé des vrais trucs comme la cuisinière et la cafetière à filtre.

Notez que Benjamin Thompson est mort en 1814, il ne s’agit pas non plus d’une invention contemporaine pour Balzac, mais il savait faire ses propres recherches, lui, sans l’influence des médias mainstreams.

Bref, Balzac invente un dessert glacé recouvert d’oeuf battu, et c’est le début d’un énorme non-sens géographique digne d’un micro-trottoir américain. En effet, le fameux Thompson dont il s’inspire est né dans le Massachusset. Il adoptera plus tard la nationalité britannique, avant de devenir comte en Bavière, puis enfin rejoindre Paris.

Il aurait pu choisir n’importe quelle de ces identités nationales, mais c’est le passage bavarois qui inspire Balzac pour le nom de ce dessert (pourquoi pas). Mauvaise nouvelle cependant pour ce dessert, Balzac, qui a l’air plutôt balaise en physique appliquée, se révèle être une bille complète en géo. Il pense que la Bavière est en Norvège et décide de nommer ce dessert “omelette norvégienne” en hommage à Thompson.

La suite de l’histoire se déroule de l’autre côté de l’océan. Nous sommes en 1876 (soit 9 ans plus tard) et le restaurant Delmonico à New York décide de faire ce qu’Hollywood fait de nos films et séries, à savoir un remake américain, qui va marcher, lui.

Au mois de mars de la même année, les Etats-Unis ont fait la jolie acquisition, non pas du Groenland ni de Gaza (ça c’est en 2026), mais de l’Alaska. L’omelette norvégienne est ainsi rebaptisée Baked Alaska pour célébrer l’évènement. Le dessert connaît ainsi un succès international grâce à un meilleur marketing, des effets spéciaux plus avancés et une musique de Hans Zimmer (ou presque).

Chaud devant, je vous emmène désormais en automne 2024. Je suis à Leamington Spa en Angleterre et je vante la gastronomie française à un collègue coréen, comme tout français relou qui se respecte. Il me vient alors l’idée de lui partager le menu en anglais d’une brasserie parisienne pour mieux communiquer sur les plats. C’est à ce moment précis que je découvre l’existence du Baked Alaska. Je m’insurge… mais qu’est-ce que c’est que ce truc, est-ce vraiment un dessert français ? 

J’ouvre le menu en français, cette fois. Baked Alaska s’appelle désormais Omelette Norvégienne. Stupéfaction. Je découvre l’histoire de ce dessert, je me régale. 

1er Mars 2025, il est 18h et je m’ennuie comme jamais. Tous les reel ont été scrollés sur Insta, j’ai regardé 4 fois l’interaction Trump-Zelensky sur X, selon le point de vue européen, trumpiste, poutinien, pastafarien…  et je me décide. Ce soir, je vais créer LA carte.

Voilà donc le résultat de ces nombreuses heures de travail. Il y a énormément de pays pour lesquels je n’ai pas eu de réponse, mais je n’ai pas manqué de remarquer que l’office québécois de la langue française tient à l’appellation Omelette Norvégienne, me permettant ainsi de remplir de hachures une immense partie de la carte. 

Les belges, de façon moins spectaculaire pour cause de superficie dépassant à peine les 30 000 km2, se divisent également entre la version française et flamande de l’appellation de ce dessert.

A ce propos, quelqu’un peut m’expliquer pourquoi les Pays-Bas, eux, ont choisi la dénomination Omelette Sibérienne ? Si on découvre qu’un neerlandais ou un flamand a situé l’Alaska en Sibérie, promis, je ne jugerai pas.

La Norvège, quant à elle, n’a pas boudé le petit plaisir qui se présentait gratuitement à elle, et a décidé de garder le dessert dans ses terres. Merci aux norvégiens ! Benjamin Thompson, l’américain britanno-bavarois mort à Paris qui a inventé la cafetière à filtre, serait fier de vous.